langue française

AUTEURE, AUTRICE OU AUTEURICE ?

J’ai découvert, au hasard d’une émission littéraire, l’existence d’une maison d’édition que je ne connaissais pas. J’ai eu la curiosité de me renseigner, et j’ai donc consulté le site de ladite maison.

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Cela m’a permis de visionner la liste-trombinoscope des AUTEURICES (sic) qu’elle publie. Si si, je vous assure, vous avez bien lu. Ce qui ne l’empêche pas de se présenter, sur le même site, comme une maison « qui publie chaque année des romans, novellas et recueils de nouvelles D’AUTEURS FRANÇAIS ET ÉTRANGERS ». Cherchez l’erreur…

Même dans le monde de la science-fiction, qui constitue le genre-phare de cette maison, ce mot est un non-sens (et une monstruosité). J’ai souvent rencontré des AUTEURES et des AUTRICES (deux catégories auxquelles je me refuse d’appartenir, bien décidée à demeurer à jamais UN AUTEUR, même si en l’occurrence cet auteur est sans conteste une femme, de même que je suis un PROFESSEUR et même un ÉCRIVAIN, tous de sexe féminin, et — tant qu’à faire — UN être humain.

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Mais du moins les néologismes d’AUTEURE et d’AUTRICE s’inscrivent-ils dans une certaine logique linguistique, tout comme les mots INSPECTRICE, ACTRICE, CONDUCTRICE, MINEURE, PRIEURE ou SUPÉRIEURE, depuis longtemps entrés dans l’usage et les dictionnaires.

Car, rappelons-le, c’est l’usage qui fait évoluer une langue (et ce n’est pas le bon monsieur Grevisse qui m’aurait contredite), et non les ukases à connotation “politiquement correcte” ou “dans l’air du temps” de démagogues de tout poil ou de militantes féministes. Bien sûr, si ces féminisations et autres inclusivités avaient le moindre impact sur le nombre de “violences faites aux femmes”, sur le mépris dont trop souvent elles restent l’objet, si ces fadaises linguistiques permettaient de diminuer le nombre de meurtres, de viols, de mutilations, d’agressions, de “coups et blessures” dont elles sont victimes, eh bien, mon Dieu, peut-être me convertirais-je à cette religion nouvelle et j’inclusiverais à tout va, moi aussi. Mais de toute évidence, il n’existe aucun rapport entre ces tristes réalités et la prétendue bonne conscience syntaxique qui se répand aujourd’hui. Au contraire, suis-je tentée de dire.

Quoi qu’il en soit, constater qu’un éditeur, un vrai, qui ne semble pas pratiquer le compte d’auteur revendiqué ou déguisé, utilise ce néologisme aussi ridicule que barbare, cela a de quoi faire frémir…

Quant à moi, je ne risque pas, en tout cas, de lui proposer l’un ou l’autre manuscrit. Et je reviens à mon mantra préféré : “la connerie humaine est sans limites”…

ET TANT QU’À FAIRE... VICTOR HUGO EN INCLUSIF, C’EST INTÉRESSANT (LES CHÂTIMENTS)
Celles et ceux qui vivent, ce sont celles et ceux qui luttent ; ce sont
Celles et ceux dont un dessein ferme emplit l’âme et le front,
Celles et ceux qui d’un haut destin gravissent l’âpre cime,
Celles et ceux qui marchent pensif.ve.s, épris.e.e d’un but sublime,
(...) C’est le-la prophète.sse saint.e prosterné.e devant l’arche,

C’est le-la travailleur.euse, pâtre.sse, ouvrier.ère, patriarche ;

(...) Inutiles, épars.e.s, iels traînent ici-bas

(...) Iels sont les passant.e.s froid.e.s, sans but, sans nœud, sans âge ;

(...) Oh non, je ne suis point de celles et ceux-là ! grand.e.s, prospères,

Fier.ère.s, puissant.e.s, ou caché.e.s dans d’immondes repaires, 

ET SI ON RÉÉCRIVAIT LES PENSÉES DE PASCAL ?
« L’homme-la femme
n’est qu’un.e roseau.elle, le.la plus faible de la nature; mais c’est un.e roseau.elle pensant.e. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser : une vapeur, une goutte d’eau suffit pour le.la tuer. Mais quand l’univers l’écraserait, l’homme-la femme serait encore plus noble que ce qui le.la tue, parce qu’iel sait qu’iel meurt, et l’avantage que l’univers a sur lui.elle, l’univers n’en sait rien. »