DURE, DURE, LA VIE D’ÉCRIVAIN ou À LA POUBELLE, LES LIVRES

Mns 4Je suis avertie par l’un de mes éditeurs (français, en l’occurrence) que sa collaboration avec le diffuseur belge Interforum prend fin, et que je peux donc récupérer, si je le souhaite, les livres qui se trouvent encore en stock chez ce diffuseur, à Louvain-la-Neuve. Je téléphone au diffuseur en question, qui me répond qu’il lui reste 200 exemplaires de cet ouvrage. Bigre ! Vais-je pouvoir embarquer tout cela dans ma (petite) voiture ? Je m’informe de ce qu’il va advenir des bouquins que je ne pourrais emporter. Réponse : « ON LES JETTE ». Vous avez bien lu : ON LES JETTE.

Voilà. Vous mettez des mois et parfois davantage à écrire un roman ou un recueil de nouvelles, avec « vos tripes » selon l’expression de l’une de mes consœurs ; vous le polissez et le repolissez sur les conseils de monsieur Boileau ; un éditeur croit en vous (ou fait semblant ?), quand il n’oublie pas de vous verser vos droits d’auteur ; la pres​​​​​​​se p​​​​​​​arfois vous ignore ; vous vous faites traiter de vil « marchand du temple » lorsque vous osez diffuser s​​​​​​​ur FB une photo de votre pauvre petit livre qui se languit tout seul dans un vaste entrepôt, car 3 ans d’âge, pour un livre, c’est pi​​​​​​​re que le4 couv ok​​​​​​​ Covid et le cancer réunis. Puis, un jour, votre éditeur et son diffuseur engagent une procédure de divorce, et l’on vous​​​​​​​ dit sans rire que les exemplaires qui se trouvent encore en attente d’hypothétiques commandes vont être JETÉS. A​​​​​​​u rebut. À la poubelle. Comme un vulgaire préservatif usagé, comme une boîte de conserve vide, comme un v​​​​​​​ieux ​​​​​​​mouchoir dégoulinant de morve.  ​​​​​​​

N’en déplaise aux « artistes » du genre bisounours, je publie donc ici une photo du recueil de nouvelles concerné, accompagnée de deux critiques parues dans La Libre et dans Le Soir, histoire de vous mettre l’eau à la bouche. Ne vous précipitez pas chez votre libraire si vous avez l’intention de secourir une pauvre petit plumitive aussi furieuse que désespérée, ou si ce livre vous tente (c’est la période des cadeaux, je crois ?), ou encore si vous voulez lui éviter de finir dans une décharge. Prenez directement contact avec moi : il m’en reste 200 tout beaux tout neufs… Je vous ferai même une réduction sur le prix officiel qui est de 18,50 €.   ​​​​​​​​​​​​​​

Et mille excuses aux bisounours et aux donneurs de leçons qui sans doute frémiront d’horreur à la vue de cette tentative de « marketing », en vertu du principe selon lequel le véritable artiste n’a que faire de considérations mercantiles. Je leur répondrai que le véritable artiste a envie de hurler sa colère et son chagrin face à l’incroyable mépris de ceux qui, justement, considèrent ses œuvres comme des objets que l’on jette s’ils ne sont plus « rentables ». Le diffuseur belge ne les diffuse plus, l’éditeur n’a nulle envie d’investir de l’argent dans leur rapatriement vers son nouveau diffuseur, hexagonal cette fois. Tout cela, somme toute, n’est qu’une affaire de sous. Il ne reste donc que la destruction. À la poubelle, les livres. À la décharge, les écrivains.  

Decharge 4

Monique VERDUSSEN

Haine et vanités assassines (LIRE – La Libre Belgique 8 mai 2017)

Les pourquoi de ces crimes à deux pas de soi. Sous le regard aigu de Liliane Schraûwen.

Ces choses-là se passent toujours près de chez soi. Benoît Poelvoorde en a fait un film en 1992. Liliane Schraûwen, à sa manière percutante, en a écrit une succession de nouvelles qui, toutes, relèvent d’un ait divers dont on a l’impression d’avoir été informé hier ou avant-hier. Sous une tendresse et des rêves trahis par la vie, souffle toujours chez cette romancière au talent incontestable et à l’expérience éprouvée, une violence, une liberté, voire une méchanceté qui laissent peu de place à la fadeur des sentiments. Si elle ne se fait pas de cadeau là où elle met son « je » en scène, elle n’affiche aucune indulgence envers les vanités, les égoïsmes et les tromperies des autres et, plus particulièrement de ceux qui versent dans le crime. Elle tend pourtant à pointer du doigt les manques ou ressentiments qui les ont fait basculer du mauvais côté de la ligne.

Dès le premier texte qui a pour cadre la soirée inaugurale de la Foire du livre de Bruxelles, un romancier aigri de se trouver oublié de ceux qui l’avaient autrefois reconnu, cible avec une rage assassine le critique jugé responsable de son succès brisé. Et de s’en prendre aux « plumitifs plus ou moins connus » bavardant devant le podium, au discours désastreux du Ministre de la Culture, au public préoccupé du vin à venir plus que de livres et, même, au « Monseigneur à l’air profondément ennuyé… prince de sang parmi les quelques exemplaires que compte notre pays ». Un condensé de férocité. Chaque nouvelle est précédée d’un court texte qui semble échappé de la rubrique Faits divers d’un journal et apporte autant de crédit au crime évoqué dans ses motivations et détails imaginés.

Liliane Schraûwen a, voici trois ans, publié « Les grandes Affaires criminelles » où elle remettait en lumière quelques grands crimes du passé. Elle en a gardé – elle avait sans doute déjà – une curiosité questionneuse pour les criminels de tous bords et les passions qui les animent. De l’académicien qui se fait dérober son dernier et unique manuscrit à l’assassinat d’un dentiste, au fonctionnaire qui se délecte de la souffrance du bourreau, au drame de la jalousie, à l’imprudence de rejoindre l’homme rencontré sur le Net ou aux intentions peu amènes du séducteur sexuel, la palette est vaste où elle puise ses croquis. Chacun aura ses coups de cœur, les nôtres allant plus précisément à l’arnaque du voyant sur des êtres mis en confiance et sur la solitude de la mère vieillissante qui avait aimé ses « petits » sans retenue ni calcul de temps et se retrouve dans le vide de sa maison avec, pour perspective, la déchéance et la mort, n’ayant plus de place dans la vie des siens que par convenance. « Je ne suis plus qu’un souvenir encore un peu vivant, un nom, un visage auquel on pense à l’occasion ». Constat terrible et regard aigu sur les inévitables désillusions de l’âge.

Tous ces gens, victimes et bourreaux, ressemblent à s’y méprendre à ceux que l’on croise au quotidien. Pourquoi ceux-là ? Et comment en sont-ils arrivés là ? Il y a comme une stupeur chez Liliane Schraûwen face à la banalité de faits qui ont dérivé vers le pire. Mais c’est sans états d’âme qu’elle souligne les naïvetés, las haines et les perversions qui se croisent sur les pavés de nos rues. S’il n’est pas un livre drôle, « À deux pas de chez vous » porte un regard souvent sarcastique sur des réalités qui ne laissent pas sans réaction.

Zellige critique 4​​​​​​​

 

 

 

 

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