TRISTES ELECTIONS

Auschwitz2Il y a des jours, je vous l’assure, où la désespérance prend le pas sur le reste. Des jours où l’on n’a plus envie de rire, de croire en demain, de s’extasier devant la légèreté des choses. Des jours où le chant des oiseaux, la douceur du soleil, le murmure de l’eau et le parfum des fleurs perdent toute saveur. Des jours où l’on se dit que, peut-être, avoir atteint un âge où forcément, l’avenir devient court et aléatoire, n’est pas une mauvaise chose. Du moins échappera-t-on à la suite, aux raz-de-marée, aux nouvelles guerres qui s’annoncent, à la faim, aux maladies inconnues et à toutes ces choses qui ravageront la Terre et extermineront les enfants de nos enfants.

Oui, il est des jours où la morosité prend le pas sur tout le reste, quand on en arrive à penser que l’homme n’apprend jamais rien, que la bêtise et l’égoïsme sont gagnants à tous les coups, toujours et (presque) partout, que toute lutte est inutile, et vain tout espoir. L’on a envie, alors, de se coucher sur le sol et de pleurer, ou de fermer les yeux pour ne plus voir, ne plus entendre, ne plus savoir. Ne plus faire partie de ces hordes imbéciles de prétendus « frères humains » qui s’insultent, se menacent, s’entretuent.

Vous me direz que ce n’est pas nouveau et que ces jours-là sont notre quotidien depuis longtemps. Eh quoi, ajouterez - vous, c’est aujourd’hui seulement que vous réagissez ? Rien vu, rien constaté, rien compris tout au long de ces mois, de ces années qui ont mené à ce matin de mai ? Allons ! Rien pourtant de vraiment neuf sous le soleil. Pourquoi ces jérémiades, quand depuis des décennies errent dans les rues de nos villes des cohortes d’ombres sans forme ni visage, jeunes et vieux, hommes et femmes, à peine vivants ou quelquefois mourants, blottis contre un chien galeux sous une couverture râpée ? Quand des gamins devenus fous sèment la mort dans nos aéroports, nos stations de métro, nos lieux de plaisir et que d’autres, ailleurs, répandent le sang et la terreur dans églises, mosquées ou synagogues ? Quand le racisme et l’antisémitisme s’affichent sans honte sur nos murs réels ou virtuels ? Quand des troupeaux de « migrants » que l’on se refuse à appeler « réfugiés » se noient au large des plages de nos vacances ou viennent crever de misère près de nos gares ou dans nos jungles nordiques ? Quand « la plus grande démocratie du monde » est dirigée par un ubuesque psychopathe dont les commensaux ne valent guère mieux, plus fous et criminels les uns que les autres ? Quand murs, barbelés, « centres fermés » et ghettos s’érigent un peu partout ? Quand fondent les banquises et débordent les océans, quand brûlent les rares forêts qui ont survécu à la cupidité humaine et que disparaissent dans la foulée des millions d’espèces vivantes ? Quand notre petite planète agonise sous les coups de boutoir de ses irresponsables habitants ? Quand les pires scénarios inventés naguère par les auteurs de science-fiction se voient dépassés par une impitoyable réalité ? Et l’on se souvient du « Ravages » de Barjavel, du « Soleil vert » de Harrisson. Nous y sommes.

Et puis l’on se réveille, un triste matin de mai en l’an de grâce 2019, et l’on découvre ce qui s’annonçait depuis belle lurette mais que l’on n’avait pas voulu voir. L’extrême droite s’installe, tels le sida, la peste ou le choléra. Elle est là, comme en ces temps pas si lointains où le nazisme, le fascisme et le franquisme étendaient sur le monde leurs tentacules meurtriers. Cela faisait un moment, pourtant, qu’elle se montrait au grand jour, avait pignon sur rue ici, chez nous. Chacun était atteint, de la France à l’Italie, de la Hongrie à la Turquie, de la Flandre aux Pays-Bas. Ailleurs, c’est un autre extrême qui creuse son trou, celui d’une gauche agressive et populiste. Chez nous, ici. Mais l’on fermait les yeux. Ça va passer, se disait-on. C’est la conjoncture, c’est le problème des migrants, c’est l’islamisme, le terrorisme. C’est la misère, l’insécurité, l’incurie de ceux qui prétendent nous gouverner. Ce n’est qu’un épisode, une réaction épidermique, ça va passer, ce n’est rien.

Mais on y est.

Tout cependant aurait dû nous alerter : les meutes de casseurs déferlant sur la France, les éructations trumpesques et nord-coréennes, la peur partout présente et surtout, surtout, l’incroyable bêtise humaine décomplexée, rendue visible et évidente par ces réseaux que l’on prétend sociaux. Injures, fake news, délations, menaces en tout genre y fleurissent impunément, noyées dans des images de meurtres, de guerres, de viols. Le mépris de l’autre s’y étale, et pourquoi se gêner, je vous le demande, puisque l’on peut tout dire, tout écrire, tout montrer, dans la lâcheté de l’anonymat. La bêtise appelant la bêtise, l’excès générant l’excès, chacun en rajoute, rivalisant d’imbécile barbarie avec le post ou le tweet d’un autre cinglé. Les chefs d’État, les leaders politiques et les ministres eux-mêmes communiquent désormais de la sorte, imitant en cela le fou qui réside à la Maison Blanche.

C’est cela, la culture actuelle, celle des masses, celle de la grande majorité des citoyens, c'est-à-dire celle de ceux qui ont voté ce dimanche, et donné leurs voix aux populistes et extrémistes de tout bord. Ce n’est rien d’autre qu’une profusion de petits messages et d’images-chocs. Une indigence de vocabulaire. Un incroyable manque de connaissance, un bagage intellectuel quasi inexistant… Pourquoi d’ailleurs les nostalgiques d’un temps révolu se fatigueraient-ils à écrire des livres en ces jours où plus personne ne lit ? Pourquoi expliquer ses idées, argumenter, polémiquer, débattre, détailler un programme, quand tout peut se dire en 140 ou 280 caractères, voire en émoticônes et autres smileys ?

Terrifiant, je vous le dis. L’on en arrive à penser que Socrate, Descartes et Camus, pour ne citer que trois noms, se pendraient aujourd’hui devant le déferlement de crétinisme, d’abêtissement et d’inhumanité qui définit notre triste humanité. « Nul n’est méchant volontairement », disait le premier. 3tu parles ! » a-t-on envie de lui crier. Il faut « diminuer arithmétiquement la douleur du monde, écrivait l'autre, ajoutant que « l'art et la révolte ne mourront qu'avec le dernier homme ». L’art, vraiment ? La révolte ? Celle de casser pour casser, de piller, de frapper, de voter pour Marine Le Pen, pour le Vlaams belang ou le PTB ? Camus, au secours !!!

L’on en arrive alors à penser que, quand nous aurons enfin réussi à éradiquer de la surface de la Terre notre race irresponsable et malfaisante (ce qui ne saurait tarder), lorsque d’étranges insectes ou de jolis dauphins auront pris notre place, rien ne sera pire. Au contraire, sans doute.

 

 

Commentaires (1)

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