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Cachez ce sein...
- Par Liliane Schraûwen
- Le 29/06/2013
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Mais non, je ne m'appelle pas Tartuffe. Mais j'aimerais quand même que quelqu'un m'explique un jour en quoi se dépoitrailler (par ces temps de frimas…) constitue un acte de militantisme pour quelque cause que ce soit. Voir sur tous les écrans de télévision, à la une des magazines, un peu partout sur le Net, des femmes (le plus souvent jeunes et jolies certes) exhiber agressivement leurs seins décorés de slogans illisibles, tout cela ne me donne guère envie de me rallier à leur cause, ni même de me renseigner sur ladite cause. Féminisme ? Liberté d'expression ? On me dit qu'il s'agit de défendre les droits des femmes et la démocratie, de lutter contre la corruption, la prostitution, la religion…
En quoi, je vous le demande, l'exhibition de quelques tétons plus ou moins charnus constitue-t-elle une manière de promouvoir la démocratie ou de lutter contre la prostitution ?
Tout cela me paraît aussi ridicule qu'excessif. Et inutile de surcroît, en tout cas s'il s'agit de servir une cause. S'il est question d'attirer l'attention sur soi en dévoilant ses charmes, c'est autre chose. C'est d'ailleurs ce que font très bien les prostituées, justement, dans les jolies vitrines au néon du quartier de la Gare du Nord.
Proclamer et afficher sur toutes sortes de supports les slogans les plus divers, exprimer ses idées sur une multitude de sujets, militer pour ceci ou contre cela, ameuter la presse, défiler dans les rues, mon Dieu, pourquoi pas ? Tout cela relève, en effet, de la liberté d'expression et de la démocratie. Je ne suis pas certaine par contre que l'exhibitionnisme ou le naturisme (et nous n'en sommes pas loin dans le cas présent) relèvent de la même liberté d'expression, sauf à pratiquer ce naturisme en des lieux prévus pour cela, afin de ne choquer personne. Mais nous sommes loin ici de la communion avec la nature, de plaisir que l'on peut avoir à ressentir sur tout son corps la caresse toute platonique du soleil et du vent de l'été…
Ne choquer personne. C'est là que réside, me semble-t-il, le nœud du problème : dans notre société occidentale (et dans la plupart des autres sociétés dites civilisées), les seins sont considérés comme un élément de séduction à forte connotation sexuelle, sinon érotique. Rarissimes sont les plages, en été, à autoriser le bronzage topless, toujours dans le souci de ne choquer personne et surtout pas les enfants. Ou dans l'ambition louable de ne pas stimuler, j'imagine, la libido des autres estivants. Il n'y a guère que dans les musées et dans certaines séquences de films que l'on nous montre les seins des femmes, et toujours dans un contexte précis qui est celui de l'art. Ou celui de l'amour. Ou celui de l'érotisme, voire de la pornographie. Ou – et cela reste de l'amour, en somme – dans celui d'une mère allaitant son enfant.
Ah, la beauté fulgurante des marbres antiques ou Renaissance, de ceux créés par Rodin… La splendeur de ces Rubens, de ces Renoir, celle des Botticelli, des Caillebotte, des Courbet, des Degas… La beauté de Catherine Deneuve dans Belle de Jour, celle de BB en son temps…
Quel rapport, je vous le demande, avec le militantisme, avec la démocratie ?
N'ont-elles donc aucun autre moyen, ces viragos en colère, d'exprimer ce qu'elles pensent (si tant est qu'elles pensent…) ? Pas de mots, pas de phrases, pas d'idées ? Aucun talent oratoire ou littéraire ? Rien d'autre que des hurlements hystériques et incompréhensibles pour accompagner le spectacle navrant de leur demi-nudité militante ? Pas la plus petite once de créativité pour rédiger quelque pamphlet, pour « buzzer » sur YouTube ou sur Facebook, pour rapper, slammer, que sais-je ?
Non. Juste ce geste absurde et grotesque de placer leurs mamelles sous le nez d'inconnus qui n'ont rien demandé.
Consternant, je vous le dis. Et révélateur quant au degré de vulgarité et de crétinisme atteint par notre société, quant au degré de voyeurisme et de platitude des médias qui font la une avec de telles images. Pendant ce temps, des gens meurent en Syrie et ailleurs. Pendant ce temps, des femmes, ailleurs encore, sont violées chaque jour par des bandes armées. Des enfants sont battus, torturés, ou enrôlés dans d'absurdes combats afin de devenir bourreaux à leur tour. Bernard Tapie et Cahuzac font joujou avec des millions d'euros. Des pays entiers meurent de faim... Mais sans doute est-il plus vendeur de consacrer dix minutes d'antenne à trois ou quatre pseudo-militantes qui arriveraient presque à rendre Monseigneur Léonard sympathique (c'est dire !), et qui détourneraient du féminisme Simone de Beauvoir elle-même.
Toutes jeunes, ces femelles en fureur, et le plus souvent jolies. On se demande d'ailleurs pourquoi les vieilles et moches n'utilisent pas les mêmes armes de persuasion massive… Et pourquoi les hommes, je veux dire les mâles, ceux contre qui elles s'insurgent, ceux qui nous voilent, nous enferment, nous prostituent, nous violentent, nous dominent, nous vendent et nous achètent, pourquoi ils ne font pas pareil afin de défendre leur point de vue, leurs idées, leurs causes. Vous me direz qu'il y a moins de place sur… euh… comment dire… enfin… vous me comprenez, pour étaler l'un ou l'autre slogan, fût-il simpliste. Surtout, ce serait moins joli. Mais tellement plus rigolo !
Choqué par mes idées (car j'en ai, moi aussi) et par ce texte (car je suis capable d'écrire plus de deux ou trois mots à la suite, et sur de tout autres supports que telle ou telle partie de mon anatomie) ? Que l'on ne se méprenne pas : je suis une femme, comme ces tristes greluches, une gonzesse, une meuf, une nana... Je suis pour la démocratie, comme à peu près tout le monde. Je trouve la prostitution et la corruption regrettables, comme tout le monde aussi. Je me bats pour l'égalité, pour le droit à la différence. Quant à la religion, je pense qu'elle doit rester du domaine privé. Il m'est arrivé quelquefois de produire l'un ou l'autre texte – et de le publier – sur des sujets qui me tenaient à cœur. J'ai signé des pétitions. Je me suis beaucoup indignée, et je reste révoltée par les abus de toute sorte. Il m'arrive d'agir dans le sens de mes convictions. Mais je ne crois pas que se déshabiller soit une forme d'action, et jamais, même en ma belle et trop lointaine jeunesse, je n'aurais accepté de m'abaisser ainsi, de me dévaluer moi-même. Oserais-je dire : de me dégrader de la sorte ?
Peut-être parce que j'attache plus d'importance au contenu de ma boîte crânienne et au fonctionnement de mes neurones qu'aux glandes mammaires dont la nature m'a gratifiée, et que j'accorde plus de crédit à la chose dite et écrite qu'à la chose gueulée et exhibée.
Habemus papam
- Par Liliane Schraûwen
- Le 16/03/2013
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Quant à donner un point de vue sur « le pape François », loin de moi cette outrecuidance. Nous verrons bien. Certes, il a « une bonne tête », ce qui, à mon humble avis, n’a jamais été le cas de son prédécesseur. Mais l’habit ni la tête ne font le moine (ou le pape), et la notion de « bonne tête » est somme toute assez subjective.
J’en conviens, il paraît sympathique, et son « buona sera » fut aussi surprenant qu’amical et peu protocolaire. Commencer son ministère pétrinien (si, si, c’est comme ça qu’on dit) en demandant aux milliers de fidèles présents de prier pour lui et de lui accorder leur bénédiction constitue sans nul doute une grande première et une intéressante inversion des rôles. Certes encore, il me semble avoir une petite ressemblance avec le météorique Jean-Paul Ier qui fut jadis l’objet d’une enquête historique de mon cru. J’ai lu aussi qu’il n’aime guère le luxe, qu’il a toujours été proche des pauvres et des habitants des bidonvilles. Le choix du nom de François qui rappelle celui du Poverello paraît éloquent à ce titre.
Tout cela sans doute peut sembler de bon augure, et l’on peut rêver d’un pasteur qui, tel celui qu’il représente sur Terre, se promènerait pieds nus sur les sentiers du Monde, jetant à bas les innombrables étals des marchands du temple, convertissant les lingots qui dorment dans les coffres des banques vaticanes en écoles, en hôpitaux, en riz, en programmes d’aide aux 448 millions d’enfants qui souffrent de la faim, aux 80 % de la population mondiale qui se partagent les 10 % de « richesses » laissées disponibles par les 20 autres % dont nous faisons partie. On peut rêver d’un homme qui nous expliquerait qu’ « à chaque jour suffit sa peine » et qu’il « est plus difficile à un riche d’entrer au royaume des cieux qu’à un chameau de passer par le chas d’une aiguille ». Comme il serait doux d’entendre une fois encore que « là où est votre trésor, là aussi est votre cœur », que « vous ne pouvez servir Dieu et l’argent », et qu’il faut « chercher premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné par-dessus ». Mais celui qui nous a enseigné tout cela, il a mal fini, comme chacun sait. Et je n’irai pas jusqu’à souhaiter la crucifixion de qui que ce soit, pas même celle d’un nouveau pape, fût-il argentin.
Quant à savoir s’il sera un bon pape… Il aura en tout cas du pain sur la planche.
D’ailleurs, suis-je concernée ? En fait, pas vraiment. Mais il n’en reste pas moins que le pape, bon ou mauvais, sympathique ou sinistre, jeune ou vieux, avant-gardiste (ça existe, ça ?) ou rétrograde, est pour un milliard et demi d’individus le représentant de Dieu sur Terre. Seuls les catholiques romains et les bouddhistes tibétains, pour ce que j’en sais, se groupent ainsi sous l’autorité morale et spirituelle d’un seul homme. Il exercera donc sur le monde, forcément, une certaine influence, liée au prestige de sa fonction et à son ascendant sur les centaines de millions de catholiques et même de chrétiens au sens large qu’il est chargé de guider sur les voies de la Justice.
Alors, wait and see, comme on ne le dit pas en latin.
Le prince et le philosophe
- Par Liliane Schraûwen
- Le 28/10/2012
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L'histoire des trois tamis de Socrate, ça vous dit quelque chose ?
Si vous avez été scout, vous devez connaître ce joli conte qui nous parle des trois filtres au travers desquels faire passer toute parole : le filtre de la vérité, celui de la bonté et celui de l'utilité. Belle histoire qui circule depuis toujours autour des feux de camp.
Internet (qui ferait bien d'appliquer la recette) propage cette légende comme il propage toutes les autres. Faites le test : tapez " Socrate " et " tamis ", et vous verrez apparaître 53.700 résultats en 0,28 seconde. Cinquante-trois mille sept cents sites qui se recopient et se plagient sans vergogne, cinquante-trois mille sept cents fois le même conte " attribué " à Socrate. Attribué par qui ? Ni par Platon ni par Xénophon, pour ce que j'en sais. Bien sûr, je ne sais pas tout, et je n'ai pas lu tous les textes grecs, tant s'en faut. Je n'ai en tout cas pas lu Socrate, pour la bonne et simple raison qu'il n'a jamais écrit une ligne. Le moindre potache passé par mes mains - si j'ose dire - le sait. Le plus nul des bacheliers français le sait. N'importe quel étudiant de première année d'université ou de haute école le sait. Notre prince héritier, par contre...
Très jolie fable que celle des trois tamis. On peut certes penser que le sage Socrate ne l'aurait pas désavouée. Quant à prétendre qu'il l'a inventée, c'est une autre histoire que rien, à ma connaissance, ne permet d'attester. Vraiment rien. Qui donc l'a créée et placée dans sa bouche ? Sans doute ne le saura-t-on jamais. J'imagine un vieux professeur de philo, tout chenu, mémoire brumeuse et parole fumeuse, ne sachant plus très bien ce qui est de lui et ce qui vient de l'antique dialecticien. Ou bien un quelconque chef de troupe ou d'unité scoutes, modeste au point de camoufler son génie derrière celui du premier des philosophes. Ou alors il s'agit de l'une de ces " légendes urbaines " comme on dit aujourd'hui, lancée par un mystificateur qui n'e prévoyait pas le succès de sa trouvaille. Si quelqu'un parmi les lecteurs de ce blog peut m'éclairer et m'indiquer la source écrite de cette anecdote (pour autant qu'elle existe), il aura droit à toute ma reconnaissance.
En attendant, résumons-nous. Le conte des trois tamis est joli, rempli de sagesse, édifiant à souhait. Socrate, s'il l'avait connu, l'aurait sans doute apprécié. Mais il y a peu de chances pour qu'il en fût l'inventeur. Quoi qu'il en soit, il ne l'a pas écrit ; ça, c'est une certitude.
Mais que vient faire le prince Philippe de Belgique dans cette affaire ?
Eh bien, figurez-vous que voici quelques jours, le mercredi 24 octobre pour être précis, le journal télévisé de la RTBF a consacré un sujet au couple princier qui se trouvait en visite à Liège, dans une " maison intergénérationnelle ". Une charmante dame prénommée Pascale, professeur de son état d'après François de Brigode qui présentait le JT (si elle est prof, ce n'est pas de philo, on peut en être certain), s'est mise à raconter l'histoire des trois tamis. Notre futur roi, jugeant sans doute qu'il n'est jamais trop tard pour s'instruire, l'a écoutée attentivement. Après quoi il a ri finement et s'est fendu d'un commentaire sur l'actualité de ce texte qui n'aurait pas été choisi au hasard. La dame, rougissante et la voix tremblante, a ensuite narré à la caméra que le prince s'était confié à elle. " Il m'a dit qu'il a beaucoup lu Socrate ", a-t-elle expliqué, " mais qu'il ne connaissait pas ce texte-là ". Si si, je vous assure, c'est exactement ce qu'elle a dit. Vous pouvez vérifier.
C'est dans des moments comme celui-là qu'on se sent fier d'être belge, me suis-je dit tout émue à mon tour. Pensez donc ! Celui qui un jour régnera sur notre joli petit pays a beaucoup lu Socrate, qui n'a jamais rien écrit... C'est pas beau, ça ?
Mais ne me faites pas dire ce que je ne pense pas. Loin de moi l'intention de dénigrer, comme tant d'autres, la royauté, la monarchie ou la princière personne de l'héritier du trône.
Car après tout, peut-être a-t-il eu la chance de mettre la main sur de vieux manuscrits qu'il est le seul à connaître. Pourquoi pas ? Tout n'est-il pas possible dans un pays où de slimste Vlaming (l'autre futur roi de l'autre partie de la Belgique) a prouvé zijn slimheid (comment dit-on cela en français, déjà ? Slimitude, c'est bien ça ?) en perdant 58 kilos en neuf mois ? Est-ce un hasard, d'ailleurs, si le mot slim se traduit par " malin, rusé " en néerlandais, et par " mince " en anglais, " le plus malin des Flamands " devenant très logiquement " le plus mince des Flamands " ?
Mais revenons à Philippe. Vu qu'il me semble peu probable d'imaginer notre Prince en archéologue découvreur de textes qui n'ont jamais existé, je préfère porter ses propos au crédit du célèbre et universellement reconnu "surréalisme à la belge", ou à celui de notre zwanze bruxelloise. A moins, bien sûr, qu'il n'ait jamais rien dit de tel et que ce soit Dame Pascale qui a cafouillé, inventé, fantasmé, menti... Peut-être même a-t-elle été missionnée par l'infâme Deborsu, désireux de poursuivre à travers elle son travail de sape. Vraiment, tout est possible. Sauf une chose, qui serait de soupçonner notre prochaine Altesse de feindre et d'étaler une culture qu'il ne possède pas.
Certes, tout le monde n'est pas obligé d'être familier de Socrate ou de maîtriser la philosophie grecque. Mais il me semble qu'il est toujours préférable de se taire, quand on ignore quelque chose, plutôt que de se décrédibiliser en prétendant connaître... ce qui n'existe pas.
Mais rassurez-vous: le ridicule ne tue pas. La ciguë, par contre...